La fuite des talents - Partie 1

JO 2024

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10.10.22

Une histoire Belge

Depuis quelques années, nous savons que nos joueuses et joueurs de l’équipe de France évoluent dans leur très grande majorité dans les clubs étrangers et principalement en Belgique. D’aucuns ont voulu, dans un passé proche, polémiquer sur cette situation en avançant évidemment des arguments de type réactionnaire et ne proposant aucune solution crédible. Curieusement, personne n’a tenté de développer ce sujet et de comprendre un parcours finalement assez commun du sportif de haut niveau.

Quand l'exode des internationaux a-t-il débuté ?

L'externalisation vers la Belgique a commencé à la suite de la Coupe du monde Junior de 2013, principalement avec quelques joueurs puis se renforcera après la Coupe du monde 2018 à Bhubaneswar et le fameux ¼ de finale des Tricolores.

Ces départs ne sont pas nouveaux puisque déjà lorsque j’entraînais l’équipe de France dans les années 2000, certains jouaient dans de grands clubs espagnols, hollandais et allemands. Curieusement peu en Belgique à l’époque. Cela s’explique puisque jusqu’en 2006, l’équipe de Belgique était une nation ordinaire, d’un niveau similaire au nôtre.

La première véritable vague sur la Belgique fut celle des Saint-germanois vers Leuwen. Tom Genestet, coach actuel des Yvelinois, quitte le SGHC avec Lucas Sevestre en 2011 à la suite de 4 titres consécutifs de champion de France. Il y restera jusqu’en 2016. Il est rejoint par son frère Hugo et Guillaume Deront en 2014. D’autres vice-champions du monde juniors tenteront l’aventure. Victor Charlet rejoindra les Waterloo Ducks la même année. Edgar Reynaud, Gaspard Baumgarten et Jean-Baptiste Forgues formeront la cohorte lyonnaise. Aujourd'hui une vingtaine d'internationaux jouent en Belgique.

Quelles sont les raisons de cet exode?

Tous ces joueurs évoquent les mêmes arguments pour justifier leurs migrations : la proximité avec la France, la langue commune, le niveau du championnat, l’aspect financier. Tom retient de son expérience outre-quiévrain particulièrement des amitiés et l’assurance de jouer des matchs de haut niveau et il ajoute : « ça m’a permis de vivre de ma passion ». 

L’essor du hockey Belge et sa proximité frontalière, linguistique et culturelle attirent nos Bleus. Dans un premier temps, considérés comme de « simples bons recrutements », ils sont devenus des joueurs-clés du mercato annuel. Les performances extraordinaires du hockey belge ont séduit les sponsors ce qui a conduit au développement de la professionnalisation du hockey. Oui on peut vivre du hockey en Belgique !

Le professionnalisme du hockey Belge est souvent identifié comme vecteur majeur. Aymeric Bergamo (DT du CAM et ex-coach de l'équipe de France U21) ajoute que le critère « économique » joue un rôle non négligeable dans le départ des joueurs. Outre les rémunérations, il relève l’importance de la visibilité du hockey en Belgique permettant aux clubs et donc aux joueurs de bénéficier de l’appui des sponsors.

Aujourd’hui les clubs Belges proposent des structures de haut niveau (professionnalisme et expertises en club), des rémunérations et des avantages très intéressants ainsi qu'un très haut niveau du championnat. Les clubs rivalisent aujourd’hui en EHL face aux équipes hollandaises et allemandes. Jean-Baptiste Forgues relève particulièrement ce point : « au Leopold nous avons notre vestiaire dédié avec nos équipements préparés, une salle de fitness, un staff complet et compétent ». Victor Charlet reste fidèle à son club des Watducks depuis 9 ans malgré les efforts des agents recruteurs hollandais car il s’y sent bien, apprécie les structures du club : « je me suis construit un équilibre personnel (famille, projet sportif, reconversion…). Jean-Baptiste pointe bien l’importance du parcours de vie personnel et pas seulement l’unique appât du gain et de la performance : « J’avais déjà fait l’expérience du championnat espagnol dans le cadre d’Erasmus. A la suite de la qualification pour la coupe du Monde en 2017 en Afrique du Sud, je prends ma décision définitive de m’externaliser en Belgique. J’étais à un tournant de ma vie et je venais de terminer l’INSA. Je voulais me projeter sur du long terme ». 

Qu'en est-il des nos internationales?

Elles ont emboité le pas des garçons pour un championnat de haut niveau car même si les « Red Panthers » ne peuvent encore revendiquer les performances des « Red Lions », il est évident qu’elles vont flirter avec les podiums continentaux et mondiaux très bientôt (déjà aujourd’hui à la 6ème place dans le classement mondial).

Crédit © Philippe Demaret

On est cependant très loin d’une égalité hommes-femmes. Comme dans la plupart des sports collectifs, on remarque un écart significatif de reconnaissance financière entre joueuses et joueurs « mais la situation est en train d’évoluer » comme le souligne Yohanna Lhopital qui a rejoint les Watducks. Elle ajoute que les filles bénéficient du même environnement que les garçons : aspects logistiques, encadrement technique, suivi médical… C’est cela qui a encouragé son départ en Belgique : « ici on s’entraîne plus, les structures sont professionnelles, on a une image mais on a aussi des devoirs envers le club ».

Elle est venue en Belgique pour jouer à un plus haut niveau et fait remarquer que « les joueuses maîtrisent tous les gestes techniques ». Elle a aussi progressé sur le plan du jeu en équipe et mentalement. « Ici je ne suis plus leader comme en France ». Chaque entraînement et chaque match sont pour Yohanna l’occasion de développer davantage ses capacités et de faire ses preuves.

11 internationales évoluent en Belgique et au total 19 à l’étranger : Pays-Bas, Allemagne, Espagne. Si notre équipe de France n'est pas encore classée dans le TOP 20 mondial, elle en a déjà le niveau de jeu. Gael Foulard, coach des Bleues, reconnaît que cette externalisation a contribué à la progression de l’équipe de France féminine.

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